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  • Un autre poème pour Haïti

    Un magnifique poème d'Ernest Pépin, trouvé sur le site du Printemps des poètes :

    Les Poètes de Port-au-Prince

    A Port-au-Prince les poètes sont légions
    Ils ont les yeux crevés des voyants
    Les mains percées de mots
    Et le visage tatoué par les griffes de la nuit
    J’écoute le testament de leurs songes
    Quand leurs lèvres brûlées
    N’ont plus d’ombre pour panser la misère

    A Port-au-Prince
    Les poètes sont légions
    Ils inventent des cris de funambules
    Sur le fil des mots
    Ce ne sont pas des araignées
    Même s’ils cousent les jours clandestins
    Ce ne sont pas des chiens errants
    Même si l’amour aboie pour ne pas pleurer
    Ils ont la peau pelée de la montagne
    Et le rire large de l’Artibonite
    Chaque seconde ils inventent une étoile
    Parce que la ville pourrait mourir aveugle
    Chaque seconde ils déposent aux carrefours
    Un poème
    Parce que les mots pourraient mourir de faim

    A Port-au-Prince les poètes sont légions
    Ils nous invitent au cabaret des songes
    Au pays que voici
    A Ombarigore
    Pour boire les mots des folies douces
    Les mots des villes où les mots se suicident
    Dans les casernes
    Et les cauchemars
    Les mots mêlés à la poussière
    A l’exil
    A l’odeur des odeurs mortes
    Ce ne sont pas des éboueurs
    Même s’ils ont un ciel à nettoyer
    Ils veulent qu’on les écoute
    Et qu’on prie avec eux
    Et qu’on peigne avec eux une ville de peintres

    A Port-au-Prince les poètes sont légions
    Ils vont entre amour et colère
    Dénoncer les pluies assassines
    Et les soleils en uniforme de vampire
    Chaque fois que vous allez à Port-au-Prince
    Ecoutez les troubadours
    Regardez le sang des peintres
    Achetez le cœur des marchandes
    Entrez dans la danse des passants
    Vous trouverez toujours un poète
    Sans passeport
    Dont les mots voyagent
    De marchés en musiques
    De musiques en capitales
    De capitales en citadelles
    Pour le peuple des peuples

    A Port-au-Prince les poètes sont légions
    Ils lancent dans la ville
    Des ailes de papillons
    Des avions en papier
    Des lettres d’amour
    Des colibris bleus
    Et des cris de prophètes
    Et la ville s’envole dans un rire de poète
    Et la ville saigne
    Et la ville prend la drogue du soleil
    Et la ville tourne en rond
    Comme un chien qui se mord la queue
    Et la ville jouit comme une fleur sauvage

    A Port-au-Prince les poètes sont légions
    Ils n’ont pas de tréteaux
    Parfois ils ont des livres ouverts
    A même le ciel
    A même les bibliothèques des trottoirs
    A même les veines ouvertes des matins
    A même la nuit sonore des femmes
    Le plus souvent ils habillent le silence
    Et polissent les larmes des divinités
    Ils donnent la voix
    Ils sont la voix du peuple des peuples


    Source: http://poesther.blogspot.com/2010/01/un-autre-poeme-pour-haiti.html