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Coutechève Lavoie AUPONT "A d’yeux"


Le poète se trouve pris dans le nœud gordien où s’enchevêtrent et s’identifient : la ville, la femme, l’amour, sous le sceau de la souffrance. Il nous invite à prendre conscience que la limite extrême du supportable est atteinte dans cette île caribéenne, laminée par l’histoire, et oubliée du présent. Survivre n’est pas Vivre, même si le
Poète des Encres Têtues comme se dénomme lui-même Coutechève, enfante à chaque instant la beauté à travers son désespoir.


James, Duccha, Jean, Moïse, Yves, Edson ……

Mais quel est ce pays où les enfants deviennent poètes en tutoyant la mort ? Ce pays où le bonheur fait mal, où l’amour est une insulte, où il faut implorer son pardon à la lumière, au soleil à la terre de vouloir exister. Où pour être un homme il faut :

 

 

conjuguer ses pas collés sur les toits du silence

 

 

Un pays où l’on vit déchiré entre amour et haine, où l’on aime sa ville comme on aime encore un parent qui vous bat et vous insulte. Poésie toujours présente dans le cœur, les minutes se font douces même 

 

 

quand Port au Prince se défait comme un sourire

ton bleu est si doux quand il pleut

que j’invente ton sommeil… 

 

 

Il faut les savourer dans le temps suspendu, la carte postale est toute trempée de bleu, même si jaune est le monde. Quelle est cette ville où la vie

 

 

est moisissure sur le pain

 

 

La vie qui danse sur des layons de soleil, soleil des bidonvilles sur fond ultramarin, où la mer frémit en des vagues de sang. Pourtant les enfants ont un droit inaliénable à la Paix, à l’Amour,

 

 

Aux jeux de marelle sur le pavé des cours, quand les rues sont de sable.

 

 

Voici cette île posée au large des deux Amériques, mais où est Dieu qui n’a pas d’Yeux. Coutechève est un poète à la voix de révolte, au regard dur. Cœur tendre, mais comment accrocher la tendresse ? Toujours l’image du Crucifié hante les pages, …églises, Vendredi saint, images bibliques :

 

 

mains devenues suicidaires mais avec

le goût fraternel des mains qui s’aiment

 

 

Coutechève porte le regard d’une âme imprégnée de mysticisme et, ce faisant, il avoue être poète :

 

 

parce que

je porte le scandale qu’est mon peuple

tel un nouveau Christ voulant assumer les péchés des hommes.

 

 

Pourtant il sait bien que

 

 

rien ne pourra réinventer la bouche de l’homme sur le calvaire.

 

 

Le poète se trouve pris dans le nœud gordien où s’enchevêtrent et s’identifient : la ville, la femme, l’amour, sous le sceau de la souffrance. Il nous invite à prendre conscience que la limite extrême du supportable est atteinte dans cette île caribéenne, laminée par l’histoire, et oubliée du présent. Survivre n’est pas Vivre, même si le Poète des Encres Têtues, comme se dénomme lui-même Coutechève, enfante à chaque instant la beauté à travers son désespoir :

 

 

J’ai tatoué ma vie de longs poèmes

J’ai tissé sur ma peau de plomb noir

 cette Rivière dite Froide

et dans mes yeux de terre sèche

ce Port qui n’a plus de prince

 

 

Coutechève est aussi le poète qui emprunte ses traits aux peintres surréalistes :

 

 

ce sein que tu portes sur le front ……

la toile s’est suicidée sur ton épaule

 

 

Les oppositions surgissent :

 

 

J’aime quand la puanteur se mêle à la pureté de ton regard

…quand pleuvine la Pureté des Ordures

 

 

Ces effets de style venant du cœur expriment un refus d’anéantissement, un désir de lumière, une espérance sous-jacente.

 

 

ici la terre est malade

et son fruit porte les présages du deuil

 

 

Il est impossible au printemps de la vie d’assumer certaines évidences :

 

 

ma jeunesse n’a pas quitté les miroirs de l’aube

 

 

car l’espoir est ancré dans le cœur, dans le sang :

 

 

j’écris pour vivre

peut-être

ou pour retisser la vie au blanc des yeux

 

 

Le chant du poète traduit un combat pathétique entre Vie et Mort, entre Espoir et désespérance, et les mots de Gérard de Nerval résonnent par delà le temps :

 

 

Je suis le veuf, l’inconsolé, le prince d’Aquitaine à la tour abolie

Ma seule étoile est morte…

 

 

Qui s’est arrogé dans ce pays le droit de voler le soleil aux enfants et de ne laisser aux hommes que le désir de fuir. Le poète parle :

 

 

j’ai déplacé l’Etoile polaire

à mon départ, je veux qu’elle soit sur mon épaule

 

 

Par ailleurs se succède la grande beauté des images :

 

 

J’ai peur tu sais ?

quand je traverse ta mémoire dans les miroirs isocèles

et perpendiculaires à tes cils lourds d’extase

 

 

Quand cessera-t-on de dire et d’écrire, Haïti est un pays très dur, mais qui possède des artistes admirables ? Il est vrai, le bonheur est moins prolifique, et le malheur engendre des chefs d’œuvres :

 

 

dans une ville sans pudeur pour coiffer sa puanteur

 

 

puanteur qui rime avec peur :

 

 

j’ai peur tu sais ?

…les enfants ont peur tu sais ?

 

 

et l’on vit malgré la peur :

 

 

Un jour si tu vois la mort

dis-lui que j’ai encore la vie dans les yeux

 

 

Ce recueil de Coutechève Lavoie Aupont est un manifeste, un refus, un cri :

 

 

l’espoir s’étrangle dans l’averse du quotidien

le pire était là 

 

 

 Coutechève dans l’un de ses poèmes confie à James Noël :

 

 

Ne le dis à personne

si tu te souviens des enfants plantés

comme les cactus

autour des maisons en terre cuite

 

 

bien souvent le silence est le manteau complice de la misère, et il ajoute :

 

 

Dis-leur simplement que l’à d’yeux…

est une femme blessée à coup de vivre

Que c’est le cri isocèle de l’espace

 

 

Cependant cette ville identifiée à la femme, appartient au poète, quelque soit sa fatalité :

 

 

ville immense et merveilleusement belle

…on dit de ton nom qu’il cristallise les roses des songes

 

 

La vérité à la fin du recueil apparaît et s’impose :

 

 

je regarde sombrer à l’horizon de ce pays

cette ville

cette rue

pourtant j’aime

et j’aime surtout quand Port au Prince s’égoutte dans les pages liquides.

 

 

Alors, vous aussi vous aimerez A D’YEUX, œuvre d’un jeune poète dont le désespoir n’a pu tuer la tendresse et dont le témoignage doit s’inscrire au fer dans la mémoire collective des hommes de ce temps.

Denise Bernhardt
Sociétaire des Poètes Français

SOURCE : passerelles.over-blog.com

 

Commentaires

  • C'est plus qu'un honneur tu sais? me voir sur ton Blog.

    Merci.

  • T'es l'un des meilleures poètes de ta géneration c'est moi qui suis honoré de t'avoir sur mon blog.

  • Bonjour Nadol's
    C'est avec plaisir que je vois ma note de lecture sur ton blog,
    je te remercie.
    maintenant Coutechève a publié il est reconnu , comme un poète
    de talent. Il le mérite amplement.
    après le cauchemar du 12 Janvier 2010, la vie continue; Que vive HAITI.
    Denise Bernhardt

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