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  • Orcel : construire et voguer



    Dans les écrits de Makenzy Orcel, né à Port-au-Prince en 1982, les figures de style se raréfient, sinon n'y ont guère leur place. Pour le dépouillement, pour le silence inintelligible du texte, peut-être. Il s'offre l'insolite, l'ailleurs, les lèvres de Line...




    « La douleur de l'étreinte », le premier recueil de poèmes de Makenzy Orcel, à en témoigner par son titre, donne au lecteur équipé de son ballot de préjugés, tant s'en faut, une forte impression de « déjà-lu ». En l'occurrence, l'élan d'un homme vers une femme, de l'un vers l'autre, ou l'inverse. Et d'emblée, il opterait pour l'une ou l'autre attitude : déchirer la plaquette avant de la brûler ou s'en approprier pour la lire avec délectation.

    Ici, seulement la deuxième attitud

    e est de mise. Car, au-delà de l'étiquette du « produit », le lecteur décèle, tour à tour, un beau travail de création au niveau de la langue, les affres d'un amour qui donne plus qu'il ne prend, sans pathos. Ce, dans une absence de « titrage » des strophes jetées en vrac sur la page blanche, ce qui enlèverait les effets de surprise de l'ensemble du texte. Cette porte est ouverte et point fermée. Et, il y a cette solitude qui vous arrive en coup de poing ou en bolée de fraîcheur. Celle du poète qui, du bout de sa plume, fait surgir un univers à la fois intimiste et minimaliste. Pour se construire, en allant vers l'autre, pas en le traversant, de loin en loin.
    Makenzy Orcel s'arme de totems, d'images hors du commun qui, pourtant, s'inscrivent dans une certaine mémoire poétique pour croiser le fer avec ses démons. Et, « par la

    évrose de la parure... » (p.9), il s'offre l'insolite, l'ailleurs : « la mer m'invite/ à ses voyages bleus/ en criblant d'étoiles/ les lèvres de Line» (p.9), puisque « Ce n'est pas la faute à personne/ si nos rêves sont plus courts/ que nos bras ». (p.31)

    Dans les écrits de Makenzy Orcel, né à Port-au-Prince en 1982, les figures de style se raréfient, sinon n'y ont guère leur place. Pour le dépouillement, pour le silence inintelligible du texte, peut-être. Ou simplement parce que, dans un corps à corps aussi sanglant et irréfléchi, le poète ne songe pas aux chichis du langage, ne fait pas dans ce qui dégouline de sentiments bons et pieux. Ou encore parce que, aussi, il s'agit de « partouze et jazz/ ivre beauté/ dont les couleurs saignent/jusque dans leur inaccessibilité ». (p.14)

    Ici, la bien-aimée en question, dirait-on, est toutes les femmes, une femme générale, tentaculaire sur le papier du poète qui s'émiette dans le même mouvement. Par repli sur soi, dans une urgence de trêve, la sienne et celle d'un verbe sec et nu. Là, le surréel, arbitraire, se met en marche pour montrer que « ..., toutes les fenêtres/en cours de route/sont des yeux de femme... » (p.20). Car, de toute façon, « la déchéance s'écrit/ comme une caresse posthume/un sexe/ pour déprendre le réel » (p.27)

    Insulaire, le poète ne va pas chercher loin, reste entre terre et eau, dans une ville où, évoquant le célèbre artiste-peintre Tiga, il dit qu' « il y aura toujours un dernier soleil/dans la futaie des graffitis » (p.58). Ainsi, il n'utilise rien que des mots qui vivent dans les rues « défenestrées » et dans la mer où « tous les énigmes allument leur coquillage » (p.13), et « partout où la chute/ asperge le chant/la soif aspire le naufrage » (p.15).

    Un phrasé fractionné, tombé, ramassé, « nos pas dans/ nos bras » (p.31). Une facture poétique qui tient de l'onirisme, du grand large, et qui met en écho les délires de l'homme annulé. Une esthétique du bleu (de la mer) et du rouge (du sang).


    Source: http://www.lenouvelliste.com/article.php?PubID=1&ArticleID=60087